Les opéras, c’est souvent des histoires de cul. Parmi les grands compositeurs, Mozart était un spécialiste du genre.
Dans Cosí Fan Tutte (Eh oui, femme varie et elles font toutes comme ça !) un vieux cynique convainc deux jeunes hommes de séduire leurs maitresses réciproques, qu’ils pensent fidèles. Ils se trompent évidemment. Mais une fois cette aventure extraconjugale avant la lettre consommée, les couples originels se retrouvent. Tout ça n’était pas très grave concluent-ils. On aime changer de temps en temps de partenaires. Mozart est un disciple des Lumières. Il faut que la tolérance règne entre les époux. Mais il obéit parfois aussi aux apparences exigées par la morale hypocrite, car il doit vivre de sa musique. Dans La Flûte Enchantée, composée pour un publique populaire, Mozart nous présente un couple au-dessus de tout soupçon, incarnation de la droiture maçonnique et des idéaux illusoires de la petite bourgeoise viennoise. Mais il est aussi un maître de l’ambiguïté. Ainsi dans Don Giovanni celui-ci est puni et descend en enfer: non pas parce il a séduit 1003 femmes en Espagne seulement, mais parce qu’il a occis le père de Doña Anna. Dans le même opéra la soubrette Zerlina offre son baume « naturel » pour consoler son amant battu par Don Giovanni. Sachez que certains passages des opéras de Wolfgang Amadeus ont été censurés au 19e et au début du 20e siècle.
Les romantiques rêvaient de femmes angéliques à la maison mais beaucoup d’entre eux allaient chercher leur plaisir chez les diablesses du bordel. Le grand Richard Wagner nous chante l’amour « libre » ou « illégal » mais sublimé. Selon lui la grande extase érotique se situe dans la mort des deux amants, comme je l’ai expliqué dans une rubrique précédente.
Chez Richard Strauss et son librettiste Hugo von Hofmannsthal c’est beaucoup plus subtil. Dans le Chevalier à la Rose le jeune amant de la maréchalle, une dame qui approche un certain âge, se déguise en jeune femme pour cacher leur relation, et c’est en travesti qu’il est convoité par un monsieur. Cela ressemble à un vaudeville, mais c’est beaucoup plus élégant et spirituel, vu que c’est une parodie de la Vienne impériale, la capitale de la Kakanie comme disait l’écrivain Musil, un jeux de mot sur Kaiserlich et Königlich, l’Impérial et le Royal de la double monarchie habsbourgeoise. Ce qui est remarquable c’est que le rôle d’Octavian, le jeune homme en question, est joué sur scène par une soprano qui joue un rôle mâle qui doit jouer à un certain moment un rôle féminin. C’est compliqué les affaires du genre.
Un autre opéra de Richard Strauss, Capriccio (il ne faut pas confondre ce compositeur avec les Strauss des valses viennoises), se pose la fameuse question « prima la musica o prima le parole ? ». Qu’est-ce qui prime : la musique ou les paroles ? Un poète et un compositeur discutent de la question en présence d’une jolie dame, mais ils ne peuvent se mettre d’accord. La dame prend la décision de profiter aussi bien de la musique que des paroles, sous-entendue : elle prendra deux amants à la fois.
On peut se demander pourquoi l’opéra accorde tant d’importance aux affaires érotiques. À d’autres d’y répondre.
(La semaine prochaine j’aborderai le deuxième volet : le nationalisme dans l’opéra)
photo: Gotham Chamber Opera