Ce lundi 10 mars, à l’appel de la FGTB -rejointe à certains endroits par la CSC et la GGSLB- près de 15.000 travailleurs et travailleuses, avec ou sans emploi, se sont rassemblé-e-s dans 16 villes à travers le pays. Le mot d’ordre: il est encore temps de changer de cap! Ce réveil syndical tardif survient quelques semaines après l’annonce par la FGTB wallonne de l’exclusion de plus de 50.000 allocataires d’insertion (32.000 en Wallonie) dès janvier 2015. La limitation à trois ans des allocations d’insertion ne touche pas seulement les jeunes sortant des écoles et sans travail, mais aussi les personnes qui n’ont pas presté suffisamment d’heures de travail sur une période précise pour bénéficier des allocations de chômage. Cette mesure concerne massivement les femmes, les plus touchées par l’intérim et le travail à temps partiel ! Le secrétaire de la FGTB Wallonne, Thierry Bodson, avait raison de parler « d’une véritable bombe sociale », d’un « véritable tsunami ». « En vingt ans, dit-il, il n’avait jamais vu ça ! »
Mais il ne s’agit que d’une mesure parmi d’autres adoptées par le gouvernement Di Rupo à l’offensive contre les droits des travailleurs/euses sans emploi et, par là, contre les droits de l’ensemble des travailleurs/euses. Les exclusions du droit aux allocations de chômage se multiplient depuis 2004 et le contrôle ne cesse de se renforcer et de s’étendre à de nouvelles catégories de chômeurs. Alors que les cohabitant-e-s connaissaient déjà les allocations forfaitaires, depuis 2012, tous les chômeurs/euses, aussi bien les chefs de ménage que les isolés, vont voir diminuer leurs allocations jusqu’à un forfait en dessous du seuil de pauvreté. De pire en pire! Il est urgent de réagir fermement!
La mobilisation d’aujourd’hui est à saluer puisque, malgré une mobilisation loin d’être optimale avec un préavis de grève déposé il y a seulement quelques jours par la FGTB en pleines vacances de carnaval, le résultat n’était pas mauvais. A Bruxelles, environ 2.000 travailleurs avec et sans emploi, dont beaucoup de chômeurs/euses et de jeunes en formation venus avec leur école ou leur organisme d’insertion socio-professionnelle, ont défilé dans les rues au départ des bureaux de l’ONEm jusqu’à ceux de la Ministre de l’emploi, Monica De Coninck. A Liège, des centaines de travailleurs/euses –trop peu de chômeurs !- ont répondu à l’appel de la FGTB. A Charleroi, des délégué-e-s des entreprises de toute la région se sont mobilisés en soutien aux chômeurs moins nombreux mais, comme l’a souligné Daniel Piron, dans une situation qui ne facilite pas l’organisation collective: isolement, faibles revenus, pas de délégation syndicale et poids écrasant de toutes les violentes mesures qu’ils et elles subissent depuis des années, …
Sur les tribunes, par contre, les prises de parole de certains leaders syndicaux sentaient à plein nez et jusqu’à l’écœurement, la campagne électorale… en faveur du PS. A Liège, Marc Goblet, le président de la FGTB de Liège-Huy-Waremme, et son secrétaire régional, Jean-François Ramquet ont mis l’accent sur les conséquences humaines dramatiques de ces mesures. Une tonalité dure contre la limitation des allocations d’insertion. Et il y a de quoi ! Mais les orateurs sont restés relativement discrets sur la dégressivité des allocations de chômage. Et puis, subitement, la tonalité a changé. Marc Goblet s’est lancé dans un vibrant appel au rassemblement de la gauche, de toute la gauche, en quelque sorte autour du Parti socialiste, pour renforcer celui-ci et faire front tous ensemble face à la droite et l’extrême-droite. Oublié le fait que c’est ce gouvernement, conduit par un premier ministre socialiste, qui a mis en application des mesures contre les chômeurs qu’aucun autre gouvernement n’avait osé prendre jusque-là. Oublié le double langage des parlementaires qui, d’un côté, promettent la révision de ces mesures et, de l’autre, tentent de les bétonner dans une loi fourre-tout.
A Charleroi, les discours détonnaient dans le bon sens. Au Palais des expositions, Daniel Piron a souligné la culpabilité du Parti socialiste dans l’adoption des mesures actuelles. La mobilisation s’est ensuite poursuivie en cortège jusqu’au CPAS carolo, pour poser trois questions à son président, Eric Massin, en exigeant de lui des réponses claires, pas en tant que président de CPAS mais bien en tant qu’élu du PS: pour son parti, les chômeurs sont-ils victimes ou responsables de cette situation? la volonté du PS est-elle de faire payer aux chômeurs le prix de la mise en place d’un gouvernement en les conduisant vers les CPAS? puisque les chômeurs sont déjà stigmatisés et contrôlés, pourquoi faut-il les punir une seconde fois en les privant de leurs allocations d’insertion? En tentant de noyer le poisson, Eric Massin a récolté les hués de la foule. Dans cette atmosphère, la conclusion de Daniel Piron « Le 25 mai, vous savez ce qu’il vous reste à faire… », avait une tout autre saveur!
« Retrouvez-nous pour exiger le retrait pur et simple de la limitation dans le temps des allocations d’insertion », soulignait le tract FGTB appelant au rassemblement dans différentes régions. Les syndicalistes, en nombre, qui ont répondu à l’appel, étaient alors en droit d’attendre et d’entendre, de la part des instances syndicales, des consignes précises pour amplifier et unifier les mobilisations syndicales, seule démarche réaliste pour tenter de faire reculer ce gouvernement, avant les élections. Place St Paul à Liège, les syndicalistes ont dû apprécier à sa juste mesure l’exhortation finale du secrétaire régional de la FGTB : « Que la force soit avec vous » !
Plutôt que d’organiser de temps en temps des mobilisations pareilles, qui permettent de relâcher un peu la pression tout en ménageant au mieux les « amis » politiques du PS, il est urgent de mettre l’accent sur la nécessité vitale d’un syndicalisme de combat et démocratique et de la construction d’une alternative politique à gauche du PS et d’Ecolo! Les congrès syndicaux, comme celui du 4 avril prochain de la FGTB de Liège-Huy-Waremme, sont des occasions à saisir pour avancer dans ce sens et aussi, pourquoi pas, pour relayer l’appel du 1er mai 2012, de la FGTB de Charleroi-Sud Hainaut et de ce qu’écrivait son Président, Carlo Briscolini, dans la brochure « Politique et Indépendance syndicale », éditée par la même FGTB : « Nous avons besoin d’une nouvelle stratégie politique, car, sans relais politiques forts et à gauche, nous sommes condamnés au recul en permanence. Au mieux, nous limitons les dégâts, mais sur le long terme, c’est le pire qui détruit toutes nos conquêtes. Pour changer les rapports de forces face au patronat et à la droite, nous avons besoin d’une FGTB forte et d’une nouvelle force politique à gauche digne de ce nom ».
Pour les élections du 25 mai prochains, les listes PTB-GO (Gauche d’Ouverture), rassemblant le PTB, la LCR, le PC et des personnalités indépendantes, sont un premier pas dans cette direction. Le tract de la LCR, distribué dans les rassemblements syndicaux de ce 10 mars, se terminait par la phrase : « Il est temps de donner un bon coup de poing sur la table. Les listes PTB-GO permettent d’élire des représentants 100% à gauche, pour dénoncer les injustices et donner un relais aux luttes et aux revendications ». Les candidat-e-s LCR sur ces listes défendront entre autres la fin de la chasse aux chômeur/euses, des contrôles, des sanctions, de la dégressivité des allocations et de leur limitation dans le temps, ainsi que l’individualisation des droits avec la suppression des statuts d’isolé et de cohabitant. Nous nous battons aussi pour l’amélioration des contrats, avec des CDI pour tous-tes et des emplois statutaires pour tous-tes dans la fonction publique; l’interdiction des licenciements collectifs avec un plan de reconversion à charge des employeurs, sous contrôle des travailleur-euse-s et le partage du temps de travail, avec 32H par semaine de travail salarié, sans perte de salaire et avec embauche compensatoire.
Bruxelles
Liège
Charleroi