Dimanche 3 février, une manifestation à l’appel de collectifs de soutien aux sans-papiers a rassemblé une cinquantaine de personnes devant le centre fermé 127bis. Le but de cet événement était de dénoncer le système honteux des centres fermés et d’exiger son démantèlement mais aussi d’exprimer une solidarité avec les personnes enfermées, dont le seul crime est d’avoir quitté leur pays à la recherche d’une vie meilleure.
Le rendez-vous avait été fixé à la gare du Nord pour un départ collectif vers Nossegem, commune voisine de Steenokkerzeel, où se trouve le centre 127bis. Déjà sur le quai, un comité d’accueil composé d’une quinzaine de policiers attendait les militants, une vingtaine de jeunes et moins jeunes toujours aussi vite suspecté.e.s d’être des terroristes. Et les forces de l’ordre ne lâcheront pas le petit groupe d’une semelle jusqu’à son retour à Bruxelles en fin d’après-midi. D’autres personnes rejoignent le groupe en chemin : à pied, en voiture, à vélo… L’arrivée sur place est plutôt tendue, puisqu’un policier seul tente de barrer l’accès de l’allée du centre au cortège. Le maigre barrage sera forcé sans difficulté, tout se déroule dans le calme, les chiens de garde sont en position, prêts à intervenir.
À travers les grilles, un dialogue s’établit entre les manifestants et les détenu.e.s : « Nous sommes venus vous soutenir, nous sommes venus vous dire qu’il y a des gens ici qui refusent que vous soyez enfermés ! » – « Merci ! » réponds une petite voix au loin. Les manifestants souhaitent obtenir des nouvelles de Rose, une migrante d’origine camerounaise qui a subi sa sixième tentative d’expulsion la veille. Grâce à la solidarité d’un collectif de soutien, dont les membres avaient distribués des flyers expliquant la situation de Rose aux passagers dans la file d’enregistrement de son vol, et à l’action courageuse de quelques-un.e.s une fois à bord, l’expulsion a pu être évitée. Mais il semble que Rose aient été sauvagement brutalisée au cours du trajet de retour au centre et il est impossible d’entrer en communication avec elle depuis lors. « Rose est ici ! » – nous informe la petite voix au loin. Mais elle ne peut pas s’exprimer. Une femme crie : « Il y a plein de problèmes ici, il y a des gens qui sont malades, beaucoup, il faut faire quelque chose ! » A l’aide d’une grande bannière, les manifestants communiquent aux détenus un numéro de téléphone à contacter s’ils/elles souhaitent raconter leur expérience ou simplement recevoir un soutien.
Puis le petit cortège traverse la rue et se rend en face de la façade arrière, où des détenu.e.s le saluent déjà aux fenêtres en secouant des morceaux de tissus. Un homme tente de faire lire un message écrit sur une feuille de papier mais il est trop loin et même les zooms des appareils photos ne peuvent le déchiffrer. Quelques pétards éclatent et les manifestants scandent quelques slogans – « bric par bric, mur par mur, détruisons toutes les prisons », « no borders » – et les détenu.e.s renchérissent – « no nations ! », en chœur : « stop deportations ! », « niemaand, niemaand is illegaal ! » (nous sommes en pays flamand). Puis ce sont les détenu.e.s qui donnent le diapason : « ce n’est pas normal ! » et les manifestants de renchérire : non, ce n’est pas normal…
Après une petite heure d’échanges le petit cortège reprend sa route à travers champs, en promettant de revenir bientôt. Le but des organisateurs est en effet de réitérer l’événement tous les premiers dimanches du mois ; une perspective qui semble plus que nécessaire à quelques mois des élections, alors qu’un climat ignoble de politisation de l’immigration dite « illégale » à des fins électoralistes et sur fond de racisme d’Etat – il faudrait colmater les brèches dans nos frontières afin d’échapper à « l’invasion » venue d’Asie comme d’Afrique –, comme l’illustre tristement la lutte courageuses des demandeurs d’asiles afghan.e.s depuis plusieurs mois.
Nous repartons donc, avec notre escorte de luxe, mais nous reviendrons, exiger le démantèlement des centres fermés et la liberté de circulation pour tou.te.s !