Le week-end dernier deux de mes camarades liégeois se sont encore fait remarquer. C’est d’abord Raoul Hedebouw qui, interviewé par Martin Buxant du journal l’Echo, déclare, sans nuance, « Les syndicats, tant la FGTB que la CSC, nous soutiennent car ils ont bien compris que les partis traditionnels avaient tout lâché et ça dérange évidemment »[1]. Certes, il y a un fond de vérité à ce que dit le citoyen Raoul : une couche de militants syndicaux et même une partie de l’appareil des syndicats se trouvent « orphelins » politiquement et cherchent une alternative aux rapports actuels entre les syndicats et leurs « prolongements » politiques. De là à dire « les syndicats nous soutiennent », il y a un pas que personnellement je ne franchirais pas… J’y reviendrai plus loin.
Mais parlons d’abord de l’autre camarade. Il s’agit de Marc Goblet, président en titre de la FGTB Liège-Huy-Waremme. En lisant l’entretien cité plus haut (mis en ligne sur le site de l’Echo), son sang ne fait qu’un tour. Et il se fend d’un communiqué dans lequel il exprime, comme à son habitude, toute la finesse de ses raisonnements : « la FGTB a besoin d’un relais politique au sein des gouvernements pour porter ses revendications ». Bref, il n’y a qu’un seul parti sur lequel on puisse compter : « la FGTB de Liège-Huy-Waremme appelle à un vote démocratique de gauche avec pour objectif de renforcer le parti susceptible de participer au pouvoir (PS) et de renforcer la gauche au détriment de la droite par des représentants d’une autre gauche au parlement ». Autrement dit, la ligne syndicale doit être dorénavant « plutôt que combattre le gouvernement, se battre dans le gouvernement » et, bien entendu, on doit y accepter des compromis…
Si mon camarade Goblet faisait ces choix de tactique politique à titre personnel (aussi peu efficaces que ses préférences en matière de basket…), cela ne dérangerait pas grand monde. Mais là c’est une grande régionale syndicale qu’il compromet avec le gouvernement d’austérité. Tout cela au nom de l’indépendance syndicale !
L’apéro imbuvable
Oui les organisations syndicales ont besoin d’un relais politique pour traduire en termes de lois les revendications conquises par les travailleurs, mais elles ont tout autant besoin de leur indépendance totale vis-à-vis du pouvoir. Elles en ont d’autant plus besoin, comme l’écrit « Syndicats » l’organe de la FGTB, « après une législature marquée par une politique d’austérité stricte, voire aveugle, par un gel des salaires et par un démantèlement des droits sociaux »[2], le bimensuel concluant qu’il est « maintenant temps d’amorcer un tournant à gauche clair ». Ce n’est pas ce que propose Marc Goblet, lui c’est plutôt tourner en rond au sein du gouvernement (mais en partant par la gauche)!
Faire accepter le « moindre mal » du PS comme ligne de conduite syndicale c’est, ainsi que le dit d’une manière illustrée un autre camarade, comme préparer pour la Xème fois un cocktail avec les mêmes ingrédients et le même dosage alors que dans toutes les tentatives précédentes on l’a jugé imbuvable.
Cela, des militants syndicaux de plus en plus nombreux l’ont bien compris. Ils cherchent une alternative. Et pour la première fois, cette radicalisation au sein des syndicats se conjugue avec une percée de la gauche de gauche sur le plan électoral. Les sociaux-démocrates tant au PS qu’à la FGTB y voient une menace pour leur ligne désastreuse. Les apparatchiks sont priés de calmer, minimiser, canaliser, voire de réprimer, les ardeurs de la base.
Parti/Syndicat
Dans ce contexte, les organisations politiques de la gauche radicale ont une lourde responsabilité : il ne s’agit pas de jouer aux fanfarons, de crier que « les syndicats nous soutiennent », confortant l’idée parmi les travailleurs que comme le PS, on veut faire main basse sur leurs organisations. Ce n’est pas aussi simple. Pour représenter une alternative crédible et délivrer durablement des pans entiers du mouvement ouvrier de la domination social-démocrate il s’agit de ne pas reproduire sa conception des relations entre parti et syndicat.
Pas plus que croire qu’il suffit de « faire pression » sur le PS pour qu’il redevienne un parti « de gauche ». Comme le disait la brochure de la FGTB Charleroi-Sud Hainaut « 8 questions autour de l’indépendance syndicale » : « En effet, la stratégie de l’aiguillon nous amène systématiquement à mettre notre programme en poche et à nous incliner dans les faits devant le programme néolibéral. Nous organisons des mobilisations contre l’austérité et, systématiquement, la stratégie de l’aiguillon nous amène à sacrifier nos revendications pour ne pas mettre en danger la politique du PS et d’Ecolo, au nom du « moindre mal ». On en arrive à un point tel aujourd’hui que certains responsables syndicaux, au nom de ce « moindre mal », ne veulent même plus organiser la lutte contre l’austérité. Face à cela, la stratégie alternative que nous proposons permet de retrouver une vraie indépendance syndicale. Dans le cadre de notre stratégie, en effet, nous élaborerons notre programme et nous mènerons nos luttes en fonction d’une seule préoccupation : les besoins des travailleurs et des travailleuses »[3].
Visiblement depuis le GO de PTB-GO! (Gauche d’Ouverture) un déclic s’est produit chez de nombreux syndicalistes. Si on ne veut pas les décevoir il ne faut pas refermer la porte le 26 mai.
–Freddy Mathieu