La surexploitation économique de la petite paysannerie et du salariat agricole est donc un trait caractéristique de l’agriculture sous domination capitaliste. La phase de mondialisation du capital l’a puissamment accentuée.
- souffrance physique et psychique au travail dans l’agriculture et l’industrie agro-alimentaire
Cette surexploitation économique induit une surexploitation physique et psychique tant des petits paysans que des ouvriers agricoles. Le paysan pour survivre va devoir dépenser sa force de travail sans compter et sans souci de sa préservation. Se met ainsi en place un mécanisme d’autoexploitation. Qui peut conduire à la maladie professionnelle (travail agri pénible et difficile, produits dangereux…)
En 2005, le taux de suicide des ouvriers agricoles de 25-54 ans est de 69/100 000, plus élevé que celui de 42/100 000 des agriculteurs exploitants, à comparer au taux de 33/100 000 dans la population générale.
Quelles sont les spécificités du monde agricole qui aboutissent à cette situation :isolement social, misère affective et sexuelle, l’activité paysanne est une affaire de plusieurs générations, ce qui amplifie le sentiment d’échec.
Un autre élément très important est la transformation du travail d’élevage en production animale est une source de souffrance pour les éleveurs et les travailleurs. La dépendance économique de nombreux éleveurs aux grands groupes agroalimentaires a pour effet de transformer le travail de l’éleveur en faux travail indépendant.
On remarque donc que l’intensification du travail des animaux et des hommes accompagne ce système. L’intervalle entre mise bas et saillie pour les truies a été réduit de 21 jours en 1970 à 8 jours en 2003. Jocelyne Porcher a décrit avec profondeur le sens de ces évolutions dans le rapport de travail entre hommes et animaux : « L’animal de partenaire du travail humain (le cheval) ou d’objet du travail (la vache ou le cochon), devient donc machine à produire (du lait pour la vache ou la chèvre, des cochons pour la truie), ou chose produite (le poulet, le cochon). Ce changement de statut de l’animal va de pair avec un changement du statut du paysan qui devient producteur (de viande, d’œufs, de lait). Les transformations du travail (intensification du travail, réduction des temps improductifs, mécanisation, augmentation du nombre d’animaux par travailleur, raccourcissement des cycles de production) entraînent un changement de relation entre éleveurs et animaux aussi bien du point de vue des représentations que des rapports concrets de travail entre humains et animaux. Pour les animaux d’élevage, la vie se voit ramenée à sa plus simple expression productive, les relations entre congénères, et entre humains et animaux, sont réduites ou empêchées, l’expression des comportements libres des animaux est drastiquement réduite ou interdite par des systèmes de contention de plus en plus contraignants, le corps des animaux est formaté par la génétique ou par les techniques appropriées pour le système industriel (volailles, cochons, lapins) ou intensifié (bovins). Pour les éleveurs, le travail perd ses rationalités relationnelles. Il est réduit à sa rationalité économique : produire.